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LA CLAQUE DU DESERT

Vers la fin du périple, le désert chinois de Dzoosotoyn Elisen et la chaleur infernale qui y régnait nous ont sapé le moral durant plusieurs jours et ont marqué nos esprits durablement.


Imaginez la scène : soleil au zénith, la température à l’ombre frôle non pas les 40°C mais les 50 °C, il n'y a aucun arbre à l'horizon, seulement quelques buissons qui couvrent les dunes de sable.



A 8h du matin il fait frais, mais dès 9h, la chaleur se fait déjà bien ressentir et déjà l’ombre est un alliée qui manque…



Aux alentours de 12h30, après deux heures de vélo, il est déjà temps de chercher un endroit où passer la journée…impossible de pédaler dans ses conditions. Quelques buissons, nous tendons nos bâches pour nous ménager une petite place à l'ombre.


Nous mangeons, discutons puis essayons de dormir en vue d’économiser nos forces. Mais cela est peine perdue sous cette chaleur, et c’est là que les nerfs commencent à être attaqués : impossible de dormir mais impossible aussi de lire ou bien d’écrire ni même de se concentrer sur quelque sujet que ce soit. Il fait trop chaud, nous transpirons à grosses gouttes, le sable colle à la peau. Et nous buvons…beaucoup.



A l’abri, sous ce soleil sans nuage, en à peine une seconde nous sentons la différence d’épaisseur de nos deux bâches via la performance d’ombrage procuré : sous la plus chère, acquise au vieux campeur, aucun de nous deux ne veux s’y abriter sous peine de perdre trop d’eau…en effet, plus chère mais moins épaisse (car plus légère) et cette différence minime se ressent immédiatement !


1h

...


2h

...


3h

...


4h

...


5h

...


6h

...


7h

….


Ahhhhh, enfin ! Il est 20h ! Il ne fait plus que 43°C ! ...


Après plus de 7h à glandouiller nous ne sommes plus que deux larves fatiguées, mais nous reprenons tout de même la route avec entrain, après avoir bu autant que lorsque nous pédalons…

Le vent de face brûlant rend l'air terriblement sec et poussiéreux au point d'avoir la sensation d'évoluer dans un four. Ni plus, ni moins. Une fois cette image en tête, le calvaire commence et on constate qu’en premier lieu ce sont les yeux qui payent le prix d’une éventuelle déshydratation. Etrange sensation que le fait de sentir ses yeux…car ils sont secs.


Et nous, nous sommes là, à rouler dans cette immensité de sable, couverts de crasse car trempés de sueur et la gorge totalement sèche elle aussi. Sous ces conditions l’importance de l’eau est cruciale mais davantage pour nous hydrater que pour nous désaltérer car depuis 10h le matin, notre réserve quotidienne de 28L d’eau est chaude. Nous avons la sensation de boire de l’eau tout droit sortie d’un pommeau de douche…on hésite presque à y faire infuser nos réserves de thé pour que le goût passe un peu mieux en bouche.


Enfin, en réalité on s’en fou un peu, on sait jusque qu’il faut faire avec ce qu’on a, c’est-à-dire boire régulièrement peu importe la température de l’eau. Tout en roulant nous ne pouvons nous empêcher de nous verser allègrement de l’eau sur la tête. Cela ne sert probablement à rien, mais ça rafraichit…1minute…ensuite… ben on a chaud de nouveau…et l’envie de s’asperger de nouveau revient ! Nous constatons donc que nous sommes pas des plus lucides.


A la première occasion venue, nous souhaitons en finir et sortir du désert au plus vite. Cet enfer aura notre peau si nous jouons aux cons. Bien entendu nous pensons à faire du stop. Mais les seuls véhicules croisés sur cette route sont des camions remplis de charbon allant alimenter les dizaines de centrales thermiques installées dans ce désert. Impossible de monter dedans et ce n’est pas faute d’avoir essayé…L’auto stop en journée, sous cette chaleur ce n’est pas une panacée…




Conséquence, nous nous sentons vites comme des insectes pris au piège : attendre sous le soleil le pouce levé en attendant le messie ou bien progresser timidement à vélo, mais progresser quand même ?





Durant ces quelques jours dans le désert, la moindre rade où nous pouvions boire des boissons fraîches apparaissait donc à nos yeux comme un véritable eldorado et un « boost » pour le moral ! Les chinois que nous y croisons ne comprennent pas ce que nous faisons là, mais très généreux ils nous offrent à chaque fois de la pastèque ou bien…du coca cola…"Sérieux, dans le désert ?"


Dans notre désarroi nous réalisons que nous sommes chanceux de vivre au temps des stations-services, sans elles notre calvaire serait encore bien plus compliqué et nous serions au mieux déjà paniqués depuis longtemps (car non préparés à ces conditions) ou au pire…hum pas la peine de trop y penser en fait.



Dans ce genre de moments on ne peut s’empêcher de réfléchir au calvaire des caravanes d’antan le long de la route de la mythique route de la soie qui, n’en déplaise aux tours opérateurs vendeurs de rêves, a dû en faire cauchemarder plus d’un !

Drôle d’époque à laquelle nous vivons où les touristes non préparés pour ce qui les attendent, traversent à vélo des déserts où l’homme n’a pas grand-chose à faire. A côté de ces difficultés, le verglas et les - 5 °C que nous avons connus en Turquie en janvier, nous semblent être une partie de plaisir car en hiver nous pouvions régulièrement nous réfugier à la chaleur des poêles à bois des nombreux cafés !



Mais nous ne nous plaignons pas car dans notre supplice physique et psychologique du moment, nous sommes d’autant plus chanceux que pour la nuit nous parvenons à chaque fois à planter notre tente sous un tunnel de route ou encore à l’abri d’un mur d’enceinte d’une centrale solaire de télécommunication (et oui il y a la 3G dans le désert !...sans commentaire).



Au petit matin, abrités du soleil, nous sommes alors les plus heureux du monde car nous pouvons profiter à l’ombre du meilleur moment de la journée : le café.






Finalement la première occasion d’accélération motorisée du rythme venue, se présente au matin du 4ème jour lorsqu’une fourgonnette blanche pointe le bout de son nez à l’horizon. Dès les premiers jours dans cet enfer nous avons compris que nous avons le droit d’être cons mais juste un peu…au-delà, il s’agit d’inconscience et d’un manque d’écoute de ses forces et faiblesses. En général, ne pas s’écouter, ça ne paye pas trop…et dans ces conditions, lorsqu’une fourgonnette apparait, on ne réfléchit pas, on écoute son corps qui ne fiat que répéter au cerveau :


« Arrête tes conneries et sors moi de ce cauchemar mec, je ne vais pas tenir longtemps ! »


Alors, nous tendons le pouce en l’air en nous disant que quoiqu’il arrive nous monterons dedans ! Nous avons dû démonter tous les vélos, et faire patienter notre Jésus bridé 20min sous le cagnard, c’était short mais c’est passé !!


Ouf ! C’est parti pour 170 km de route désertique mais cette fois…en musique, et avec des bouts de vélo entre les fesses pour Simon…





Durant ces quelques jours, nous avons compris ce que le mot « désert » signifie réellement : un lieu où nous n’avons rien à faire car d’autres l’ont compris avant nous ! C’est bien pour cela qu’un désert est désert…




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Dix jours plus tard, lorsque nous avons la « possibilité » peu joyeuse de traverser le désert de Gobie, c’est en bus que nous le faisons, non pas en prenant des photos des dunes de sables mais en croisant les doigts pour qu’en cas d’accident le chauffeur ait les pièces de rechange qui aillent bien...


Quelques jours plus tard encore, nous entendons parler d’un couple de français morts dans le désert du nouveau Mexique...impossible de ne pas avaler notre salive la gorge serrée lorsque nous apprenons cela. Et nous ne pouvons nous empêcher de ramener notre science et faire écouter ce que nous avons à dire lorsque nous entendons des touristes français en vacances pour 15 jours en Mongolie lorsqu’ils nous disent « on compte ensuite se faire le désert, ça va être stylé ! » …cela va s’en dire que « faire le désert » c’est 2h de route en 4x4 depuis Oulan Bator pour 30 minutes de galipettes dans les dunes et trois selfies…une chose de plus à « se faire » sur nos « to do listes » de la bien belle mondialisation aguichante consommant toujours plus d’activité extrême non préparée.



C’était la claque du désert.


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