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ARCHITECTURE VERNACULAIRE - BILAN A MI-PARCOURS


Partis de Quimper à vélo en Septembre 2014 avec l'objectif de rallier Pékin d'ici la fin Août 2015, nous sommes actuellement en Iran en pleine période de nouvel An (21 mars au 3 Avril) pour les habitants de ce grand pays.


Tous deux ingénieurs en énergétique du bâtiment et construction durable, nous nous penchons, durant cette aventure à bicyclette, sur l'architecture vernaculaire des pays traversés.

Voyager à la découverte des techniques ancestrales de construction, c'est une façon selon nous de découvrir le monde sous un angle original, de faire des rencontres authentiques et d'enrichir nos connaissances.


Second départ - Paris, France - 29 Septembre 2014

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Pour cette entreprise ambitieuse sur le papier, et qui suscite un regard attentif de la part de plusieurs acteurs du monde du bâtiment - dont Maisons Paysannes de France, nous revenons tout d'abord sur sa concrétisation sur le terrain ; concrétisation parfois semée d'embûches ; comme nous nous y attendions.


La principale difficulté rencontrée est, bien entendu, la recherche d'ensembles vernaculaires dans les régions traversées, qui se situent bien plus souvent au fond d'une vallée ou au bord d'une route secondaire que le long des grands axes routiers.


Si le fait de voyager à vélo nous permet de voir et de ressentir énormément de choses, cela présente aussi l'inconvénient de limiter l'amplitude de nos mouvements dans les pays, où nos durées de séjour sont souvent limitées par les visas. Faire de grands détours sur notre route pour visiter un ancien bâtiment n'est de ce fait pas toujours possible ou raisonnable. Nous nous efforçons tout de même à faire de petits crochets pour partir à la découverte de bâtiments remarquables.

Cela demande un travail de recherche préalable auprès des locaux, sur internet, ainsi qu'une réflexion sur notre parcours pour respecter le planning de route qui nous est imposé. Raisons personnelles obligent, nous devons en effet être rentrés en France pour Septembre !...


Justement, nous avons par moment le sentiment frustrant de faire une course contre la montre !

Dès les premiers mois, en Europe de l'Ouest, nous réalisons rapidement que le fait de voyager à vélo peut nous occuper à temps plein, et qu'il nous manque cruellement de temps à consacrer à notre projet d'étude de bâtiments vernaculaires et à notre site internet.


Prévoir l'itinéraire, pédaler, manger, dormir, planter la tente à l'abri, régler les petits soucis mécaniques, gérer les visas ou encore répondre aux questions de nos hôtes souvent très curieux, occupent 90% de notre temps. Bref, nous comprenons rapidement que vivre le voyage est une activité à temps plein !


Il n'y a que lorsque nous sommes en tente et qu'il ne fait pas trop froid, à la lumière de nos lampes frontales, ou lorsque nous faisons des pauses de plusieurs jours, que nous consacrons un peu de temps à faire autre chose ! On est loin de l'image de l'aventurier ayant tout son temps devant lui, la brindille entre les dents, descendant parfois de son vélo pour bouquiner dans un hamac des heures entières, que nous fantasmions avant de partir !


Enfin l'obligation, initialement non prévue, d'être rentrés à une date déterminée mais également le fait que depuis Septembre nous ne connaissons que des journées très courtes et des nuits longues, contribuent à notre sentiment de frustration de ne pas pouvoir faire tout ce qu'on aimerait faire durant cette année en selle.



Musée du patrimoine architectural – Maison traditionnelle démontée puis reconstruite sur le site du musée – Tbilissi, Géorgie - 13 Février 2015



Ce n'est donc qu'une fois que nous repérons un vieil ensemble architectural, à l'avance ou au hasard de notre chemin, qu'une fois assurés que la visite de ce dernier ne contrarie pas trop le programme des jours suivants (ex: arriver dans une ville tel jour pour une demande de visa, trouver un lieu de bivouac sûr avant la tombée de la nuit, etc), que nous nous lançons avec enthousiasme dans son étude !

Nous constatons que les visites que nous réalisons sont alors souvent l'occasion de faire des rencontres très fortes humainement et riches en enseignements.


Les mtoits des maisons du village de Masuleh en Iran, servent de cours ou de ruelles pour les maisons situées au dessus. – Iran Mars 2015



Nous nous efforçons d'obtenir un maximum d'informations sur le bâtiment en prenant des notes dans notre grille d'analyse et en photographiant ou filmant le bâtiment sous tous les angles.Néanmoins, et ce sont là les autres difficultés pour le projet avec le manque de temps, la barrière de la langue, l'impossibilité parfois d'accéder à certaines pièces ou à connaître la nature de certaines parois, ou encore le manque de connaissance de l'interlocuteur du bâtiment nous bloquent parfois dans notre recherche de compréhension du bâtiment. Mais nous savions bien avant de partir que la tâche ne serait pas aisée !




Rencontre avec les habitants d’une maison étudiée à Skofia Loka en Slovénie

Néanmoins, et ce sont là les autres difficultés pour le projet avec le manque de temps, la barrière de la langue, l'impossibilité parfois d'accéder à certaines pièces ou à connaître la nature de certaines parois, ou encore le manque de connaissance de l'interlocuteur du bâtiment nous bloquent parfois dans notre recherche de compréhension du bâtiment. Mais nous savions bien avant de partir que la tâche ne serait pas aisée !



Si le fait de voyage à vélo a donc occupé une bonne partie de notre temps ces six derniers mois, nous avons tout de même réussi à visiter ponctuellement une petite douzaine de bâtiments d'une ou plusieurs centaines d'années au gré de notre progression encore et toujours plus à l'Est :

habitat troglodyte du bord de Loire, ferme francilienne, ferme du SüdTirol en Italie, très vieille maison bourgeoise en pierres en Slovénie, vieux villages côtiers croates, vieille ville côtière fortifiée au nord de la Grèce, konak turque sur le littoral de la mer Noire, musée du patrimoine à Tbilissi en Géorgie, vieille ferme du bord de la mer Caspienne en Iran, village traditionnel de montagne en Iran à la morphologie unique en son genre, villages en adobe dans le désert iranien, maisons traditionnelles à Yazd, une des plus anciennes villes au monde et remarquable par l'ingéniosité de ses tours à vent !




Ancienne maison en mur de pierres – Skofja Loka, Slovénie - 26 Octobre 2014



Outre ces visites qui nous prennent souvent une demi-journée, nous photographions au quotidien, juchés sur nos selles, les paysages, villes et villages qui défilent sous nos yeux, ce qui nous donne un aperçu global de l'architecture ancienne et contemporaine des régions traversées.



Konak turque au milieu de plantations de thé – Bords de la Mer Noire, Rize, Turquie – 26 Janvier 2015



Bref, nous le voyons bien, c'est toute une affaire d'étudier l'architecture vernaculaire lors d'une expédition à vélo. A l'inverse, nous sommes aujourd'hui convaincus que sans ce volet, notre voyage n'en aurait été pour l'instant que moins beau et passionnant !



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Durant ce périple, notre première et très enthousiasmante source d'étonnement provient de la diversité des bâtiments vernaculaires à travers les régions traversées. Nous pouvons dire que tous les deux cent kilomètres environ, soit deux à trois journées de vélo, nous pouvons constater des évolutions à la fois des paysages, du climat et de l'architecture ancienne.

Passer nos journées dehors quelle que soit la météo, voir défiler lentement les paysages, et faire d'innombrables rencontres humaines, nous permet de prendre pleinement conscience des liens qui unissent le climat, la nature, le territoire, l'architecture, l'homme et son Histoire.



Voûtes en adobe - Bovanat, Iran - 26 Mars 2015

Maison traditionnelle ottomane - Safranbolu, Turquie - 2 Janvier 2015

Très ancien village de montagne - Masuleh, Iran - 6 Mars 2015

Patio intérieur– Skofja Loka, Slovénie – 26 Octobre 2014




Pour illustrer ce propos, nous revenons sur le début du voyage aux alentours du mois d'Octobre. Nous passons deux semaines à franchir le massif des Alpes depuis Bâle en Suisse jusqu'en Slovénie en passant par le lac de Constance, le Vorarlberg et le Tyrol italien et autrichien. C'est une des régions visitées où les liens entre nature, climat et architecture nous paraissent très forts.



Ferme de 300 ans en lisière de forêts de sapins - SüdTirol, Italie - 20 Octobre 2014

Les fermes y sont construites en bois de sapins, disponible à proximité immédiate. Même les couvertures sont en tuiles de bois. La taille des fermes est modeste en corrélation avec la difficulté de ménager en montagne de grandes parcelles et de posséder de grands troupeaux. Les paysages le plus souvent magnifiques sont une alternance de prés verts, de champs et de forêts de sapins, façonnés par l'homme et ses cheptels de vaches depuis des temps séculaires. L'industrie du bois est conséquente et se voit partout : dans chaque maison des poêles à bois (Holzhofen), dans chaque village des scieries, dans les plaines des marchands de bois ou de meubles, dans les forêts le bruit des tronçonneuses ponctuellement, sur les camions et les trains de marchandises des grumes de sapins !


Poêle à bois (Holzhofen) chauffant les pièces à vivre et alimentant les radiateurs en fonte des étages - SüdTirol, Italie - 20 Octobre 2014. Nous verrons de tels systèmes jusqu’en Slovénie.




Et puis, sitôt descendus des montagnes, sitôt quittés la Slovénie, également couvertes de nombreuses forêts, nous découvrons avec plaisir l'architecture des villages traditionnels croates des bords de l'Adriatique, à quelques cent kilomètres plus au Sud.

La transition est alors rapide et radicale. Il fait bien plus chaud - nous passons de 3°C à environ 15°C en un jour ! - mais le vent souffle fort, les forêts de sapins laissent place à des paysages plus rocailleux et arides, aux fermes en bois disséminées dans le paysage se substituent des villages de pierre repliés sur eux-mêmes, tournés vers la mer, faits de ruelles étroites pour se protéger de la chaleur, du vent et, par le passé, d'éventuels envahisseurs. Les habitants sont davantage pêcheurs que bûcherons. Les vaches ont disparu au profit des moutons.



Ruelle étroite (pour se protéger de chaleur) et en pente (pour évacuer les eaux usées vers la mer) - Korçula, Croatie - 9 Novembre 2014



De tels changements de décor, nous en connaissons régulièrement tout au long de notre périple, ce qui le rend passionnant et instructif. Chaque semaine nous offre son lot de découverte architecturale. C'est d'autant plus vrai ces temps-ci où nous parcourons l'Iran, immense pays aux climats et géographies multiples.



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Notre seconde source d'étonnement, et de déception cette fois-ci, est la fragilité du patrimoine architectural ancien, et sa dégradation ou son délaissement dans la plupart des pays traversés, surtout depuis que nous sommes "côté asiatique ".

Si une ancienne construction ne fait pas l'objet d'une protection particulière ou ne constitue pas un lieu touristique, nous constatons souvent qu'elle est soi dégradée, soi abandonnée voire carrément détruite au profit d'une construction neuve.



Les maisons sont toutes construites avec les mêmes techniques - Safranbolu, Turquie - 2 Janvier 2015



L'architecture vernaculaire n'égraine plus les territoires et ne se retrouve que ponctuellement, là où elle représente une attraction touristique, qui va d'ailleurs souvent de pair avec l'estampille "classé à l'UNESCO". Ailleurs, elle tend à disparaître au profit de constructions, souvent esthétiquement similaires d’un territoire à un autre, et réalisées en matériaux manufacturé, parfois à l'autre bout de la planète. Elle n'est finalement considérée que là où elle peut être à l'origine d'une activité économique.


En Turquie ou en Iran par exemple, deux pays en pleine croissance, à forte démographie, et a fortiori à l'urbanisation intensive, les nouvelles générations délaissent souvent les anciennes maisons jugées insuffisamment confortables au profit de maisons neuves malheureusement très standardisées, construites en matériaux industriels, et ne reprenant bien souvent rien de l'ingéniosité et des savoir-faire des constructions passées.



Ancienne ferme, aujourd'hui abandonnée - Asalem, Iran - 3 Mars 2015


Bien souvent, l'idée de rénover une ancienne construction pour y habiter n'est plus socialement concevable, les habitants d'aujourd'hui souhaitent construire du neuf, du moderne en adéquation avec le recherche et le désir de vivre "à l'occidentale".

Le dernier souvenir qui nous revient pour illustrer ce propos est l'abandon total de vieux villages centenaires en briques de terre crue (adobe) aux portes du désert dans le sud de l'Iran.


Village fortifié en adobe, complètement abandonné par ses habitants, qui vivent désormais hors les murs –Village de Ezfandeh Bazm, vallée de Bovanat, Iran - 26 Mars 2015


Les habitants ont quitté l'enceinte de ces splendides villages, aux ruelles très étroites dans lesquels les voitures ne peuvent rentrer, et tombant maintenant en ruine, pour des maisons plus vastes en briques de terre cuite, disposées de part et d'autre du nouvel axe routier environnant. L'oubli complet des techniques de construction ancestrale et de l'ingéniosité de la morphologie urbaine, y est prégnant. La seule ville semblant – un peu – épargnée par ce processus d'abandon est la ville de Yazd, très touristique et classée à l'UNESCO.




Vue intérieure d'une maison et vue depuis le toit de la maison - Yazd, Iran - 28 Mars 2015



La brique de terre crue reste produite localement pour la rénovation de la ville touristique de Yazd



Le tourisme permettrait-il alors de sauver le patrimoine ancien? Peut-être…mais de quelle manière ! L'écueil constaté est souvent le même partout : que ce soit à Tbilissi en Géorgie, Bakou la capitale azérie, dans la vieille ville étape sur la route de la Soie de Şäki en Azerbaïdjan, à Safranbolu en Turquie ou encore à Yasd en Iran, les vieux quartiers historiques sont rénovés, souvent impeccablement, voire de manière un peu surfaite par moments, pour y développer le tourisme. C'est beau, il est agréable de s'y promener, mais l'autochtone n'y vit plus, le vrai centre névralgique où la vie moderne de la ville se passe ne coïncide plus avec ce vieux centre. Cela donne l'impression d'entrer à chaque fois dans un parc d'attractions plutôt que dans une ville au long passé, les magasins de souvenirs et de bibelots disséminés dans ces vieux centres n'aidant pas à nuancer cette impression.


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La visite de villes historique (ici Kavala) s’avère parfois compliquée avec nos vélos, Grèce - 26 Novembre 2014

À l'heure actuelle, il reste devant nous le Turkménistan, l'Ouzbékistan, le Tadjikistan, le Kirghizistan, le Kazakhstan, la Mongolie et la Chine, des pays qui sonnent comme la promesse d'un dépaysement certain, de belles découvertes et de patrimoines architecturaux variés.


Nous avons 5 mois maintenant pour traverser tous ces grands pays d'Asie. Nous devrons prendre le bus pour accélérer notre progression pour arriver dans les délais à Pékin, destination finale de cette belle aventure.

Nous espérons pouvoir étudier encore un certain nombre de bâtiments traditionnels et anciens pour revenir en France chargés de photos et de prise de notes sur le patrimoine architectural d'Eurasie.

Au retour, il sera alors l'heure d'étudier avec plus de hauteur cet inventaire et d'en extraire de nombreux enseignement pour l'architecture contemporaine.


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Durant cette année en quête d'architecture vernaculaire à travers le monde, nous tenons à souligner que nous ne sommes pas seuls.


Un ancien camarade de classe de longue date, breton également, ingénieur de l'EIVP et ayant travaillé trois ans à l'association HQE, parcourt seul et en bus quelques pays d'Océanie et d'Amérique du Sud durant un an, en quête de dépaysement bien sûr et également de patrimoine architectural ancien. Evan Kervinio fait partie intégrante du projet que l'on baptise aujourd'hui 'architecture vernaculaire et solutions constructives'. Le travail préalable aux deux voyages et la définition du projet ont été réalisés conjointement lorsque nous vivions tous les trois sur Paris puis en Bretagne les derniers mois avant le jour J.


Evan est parti en Novembre 2014, quand nous sommes partis en Septembre. La retranscription de nos travaux respectifs aux personnes intéressées sera commune à notre retour, et nous espérons que le rendu final du projet 'architecture vernaculaire et solutions constructives' sera à la hauteur de nos ambitions initiales et saura intéresser le plus grand nombre.


Mais, vous vous en doutez, il y a encore du travail !!





Simon Fournier et Vincent Helpin / www.quimperpekinavelo.com

Evan Kervinio / http://bifaroundtheworld.over-blog.com/


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